Je vous retrouve avec plaisir (et beaucoup d'appréhension aussi) pour vous parler des raisons de mon absence pendant un mois. C'est sans doute l'article le plus difficile pour moi à rédiger. Il équivaut à peu près à se mettre nue devant vous tellement il est personnel. Mais je pense que je dois l'écrire comme une thérapie pour moi, et peut-être pour ceux qui vivent le même cauchemar sans oser en parler.
Ça fait déjà plusieurs années que j'ai développé un trouble du comportement, quelque chose qui m'empoisonne la vie et sur lequel je ne semble avoir aucun contrôle. Ce trouble, j'ai mis du temps à mettre des mots dessus: le trouble obsessionnel compulsif, familièrement le TOC. Dans mon cas, il ne se traduit pas par une nécessité absolue de prendre des douches dix fois par jour. Il ne se traduit pas non plus par le cliché que l'on imagine à devoir appuyer 10 fois sur un interrupteur. Le mien est plus méconnu que ça. Pour moi, il s'agit du TOC de vérification.
C'est venu insidieusement. Je crois que je l'ai traîné toute ma vie. Je me rappelle encore toute petite éprouver le besoin de remonter dans ma chambre vérifier que tout allait bien avant de partir. Mais c'était négligeable et ça me semblait tout à fait normal. Tant que j'ai vécu dans mon petit cocon familial, sans responsabilités, c'était tellement discret que c'est passé inaperçu.
Puis est venu le départ en Belgique et là, ces troubles dont je n'avais même pas conscience ont progressivement empiété sur ma vie. En gros, j'éprouve un besoin maladif de tout vérifier dans mon appartement avant de partir, ou même avant d'aller me coucher. Ça parait bête dit comme ça, ça parait être un petit problème. D'ailleurs, j'arrivais plus ou moins à le gérer. Je me levais 45 minutes en avance et je finissais bien par quitter mon petit studio. Oui, parce que vérifier un petit studio de 20m2 me prenait 45 minutes. Je vérifiais tout: les prises, les plaques de cuisson, les robinets, les fenêtres, la porte... Et tout ça, en boucle 5 ou 6 fois minimum accompagnées de photos sur mon portable avant de partir, toujours soucieuse de n'avoir pas tout vérifié, soucieuse de ne pas retrouver mon petit chez-moi le soir, parce que j'aurais par inadvertance déclenché un incendie ou autre chose.
C'était encore gérable, ça me pourrissait la vie, mais je le gérais. Pas si bien que ça en fait puisque je me rends compte maintenant de la foule de choses que je ne faisais pas tout simplement parce que quitter mon appartement relevait pour moi du parcours du combattant. J'ai séché des cours pour ça, j'ai refusé de partir voir mon copain quelques jours pour ça. Et j'en passe.
Récemment, Monsieur BCC est parti deux semaines pour son travail. Un événement que lui et moi avons terriblement redouté, pas parce que nous avions peur d'être séparés, mais par peur que mes troubles m'empêchent purement et simplement de franchir le seuil de notre appartement. Au même moment, j'avais décidé de consulter une psychiatre. Elle m'a de suite mise sous traitement et m'a dès la première séance dit que ça prendrait du temps, beaucoup de temps, pour effacer ces comportements qui ont dicté absolument toute ma vie. J'ai donc été confronté début février à cette réalité. Les deux semaines que j'ai passé seule ont été extrêmement difficiles, plus que je n'aurais pu l'imaginer. C'était des crises de larmes tous les matins, des mensonges à ma famille et mes amis sur mes projets du week-end pour ne surtout pas avoir à mettre le nez dehors. Rien ne m'intéressait plus, puisque la seule chose qui comptait à mes yeux, c'était ce que j'ai nommé mes rituels.
Finalement, ces deux semaines ont été une vraie bénédiction. Jusqu'ici, j'ai toujours pu me reposer sur Monsieur BCC pour éviter les situations à problème, tant et si bien que je ne m'y confrontais plus. La solitude a été pour moi un vrai électrochoc. J'ai été obligée de faire les choses que je craignais, de me prendre en main.
Aujourd'hui, je sens quelques petits progrès. J'arrive à quitter ma voiture sans vérifier 10 fois chaque porte, les phares et sans me torturer l'esprit. J'ai de petits projets le soir, tels que faire du sport, aller faire des courses, ce qui était inconcevable pour moi avant tant il me tardait de rentrer me cacher dans ma tanière. J'ose acheter des meubles, sans avoir peur que ça trouble mes rituels. Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour moi.
Je sais que beaucoup ne comprendront pas que je ne sois pas capable de prendre le dessus, de raisonner et relativiser. J'accepte l'idée que vous ne me verrez plus de la même façon. Mais je prends le risque parce que plus de 2% de la population souffrirait de TOC, et seulement 1/3 se soigne. J'ai mis plusieurs années à comprendre que j'avais un problème, et encore quelques unes avant d'en parler. Toutes ces années gâchées, où mes troubles, en plus de s'amplifier, m'ont réellement pourri la vie.
Il semble que ce soit du à un manque de sérotonine dans le cerveau, que ce manque m'empêche de fonctionner normalement. Il semble aussi selon ma psychiatre que je souffre d'un manque pathologique de capacité à lâcher prise, à me laisser aller. Dans tous les cas, j'ai un sacré travail à faire.
Alors, je veux juste dire aux personne qui, par hasard passeront par ici, et se reconnaîtraient dans ma description que ce n'est pas de leur faute. Raisonner n'amènera à rien, ce qu'il faut avant tout, c'est lâcher prise, comprendre que le TOC est une vraie pathologie comme peut l'être la grippe ou une entorse. Et surtout, il faut accepter de demander de l'aide à un médecin parce que vous ne pourrez jamais vous soigner tout seul, que ça ne s'améliorera pas et que chaque rituel renforcera encore le besoin que vous aurez de l'effectuer, encore et toujours.
Et bien voilà, vous savez tout. J'espère que vous pourrez, si ce n'est comprendre, au moins respecter ma pathologie. J'ai encore un très long chemin à parcourir mais je vois petit à petit les barreaux de ma prison se fissurer. Je retrouve ma liberté, ma vie et moi même. En clair, je recommence à vivre.
J'espère
que vous serez là pour assister à ma renaissance. En tout cas, si
ça vous intéresse, je vous donnerai des nouvelles dans quelques
mois, pour savoir si j'ai finalement pu gérer le problème.
A bientôt
les amis!